Recruteurs indépendants et collectifs : l’uberisation du métier est-elle en marche ?

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On les voit partout. Sur LinkedIn, dans les appels d’offres, chez vos clients… : les recruteurs indépendants, parfois organisés en collectifs, semblent être en passe de devenir la nouvelle coqueluche des entreprises. 

 

Plus souples, plus experts, plus digitaux… ils incarnent en effet une nouvelle façon de recruter, avec la promesse d’un service sur-mesure qui séduit de plus en plus de directions RH. 

 

Mais doit-on y voir une véritable lame de fond, ou une simple mode passagère dans un marché en pleine mutation ? Et surtout, faut-il les redouter si on travaille dans un cabinet traditionnel ? On fait le point dans cet article.

Sommaire :

Recrutement : la grande ruée vers l’indépendance

Une montée en puissance impossible à ignorer

En quelques années, les recruteurs indépendants ont pris d’assaut le paysage RH. Sur la seule plateforme Malt, leur nombre a bondi de +127 % entre 2021 et 2024, atteignant plus de 7 200 profils (source : Les Échos).

Alors qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

  • D’abord, la conjoncture : marché tendu, guerre des talents, besoin d’aller vite. Résultat : les entreprises plébiscitent des recruteurs indépendants, à la fois réactifs, pointus et flexibles.
  • Ensuite, des barrières à l’entrée extrêmement faibles : n’importe qui ou presque peut tenter l’aventure du recrutement en indépendant. Pas besoin de diplôme RH, pas besoin de structure lourde. Un profil LinkedIn bien ficelé, un peu de réseau, et l’affaire est lancée.
  • Enfin, parce que l’indépendance attire : autonomie, liberté, promesse d’un meilleur équilibre vie pro / vie perso, et la perspective, pour les meilleurs, de facturer jusqu’à 15 000 € sur un seul recrutement.

 

Autant de facteurs qui expliquent l’essor fulgurant du modèle… et attirent chaque jour de nouveaux candidats à l’indépendance.

Collectifs, réseaux, plateformes : un modèle qui se structure (très) vite

Pour combler les limites du “solo total”, une autre tendance émerge : les collectifs. Et là aussi, la dynamique est impressionnante. 

Selon Achil, en février 2025, on recensait 1 468 recruteurs au sein de collectifs en France (contre 330 seulement deux ans plus tôt).

Ces structures prennent plusieurs formes :

  • Les réseaux généralistes (ex : Mercato de l’emploi) qui accompagnent à 360° avec outils, formation, leads et communauté.
  • Les collectifs experts (ex : Les Colettes, Achil) misant sur la spécialisation, la qualité, et le mentoring.
  • Les plateformes hybrides (ex : Good Recruiter, Odyssée RH) mixant indépendance et services packagés (CRM, ATS, IA, sourcing…).

     

En clair : une indépendance mutualisée, souvent très bien outillée.

Prometteur ? Oui. Révolutionnaire ? Pas si sûr. Car l’indépendance, même organisée en collectif, reste un pari risqué, autant pour ceux qui s’y lancent que pour les entreprises qui y font appel.

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Des modèles plein de promesses… mais pas sans limites

Côté recruteurs : une réussite pas toujours garantie

L’indépendance attire, mais elle ne convient pas à tout le monde. Le travail en solo, la prospection commerciale, l’irrégularité des revenus… sont autant d’écueils qui poussent de nombreux indépendants à jeter l’éponge au bout de quelques mois.

Le taux de turnover dans certains collectifs est éloquent : jusqu’à 30% de départs dès la première année, comme on peut le lire dans la newsletter de Laurent Brouat.

Pour réussir, mieux vaut être aguerri commercialement, être capable de se vendre autant que de vendre un candidat, et être prêt à investir temps et argent dans des outils ou des réseaux.

Côté entreprises : la découverte de l’envers du décor

De nombreuses entreprises ont déjà testé le recours à des indépendants ou à des collectifs, et les retours sont variables : si certains en sont pleinement satisfaits, d’autres choisissent de revenir à leur prestataire habituel.

Les raisons sont diverses : absence de résultats concrets, manque de suivi, ou tout simplement difficulté à consacrer du temps en interne pour piloter la collaboration.

Dans un collectif, tout repose souvent sur la relation directe avec un recruteur unique. Si celui-ci décroche une mission plus intéressante ou change de projet, le client peut rapidement se retrouver seul. Quant aux outils (ATS, CRM, tests, etc.) qu’on vante tant, ils ne se valent pas tous et ne garantissent en rien la qualité du recrutement.

Un modèle jeune, encore en recherche de maturité

Au final, la dynamique est réelle, mais l’écosystème est encore en train de se structurer.

La plupart des collectifs ont moins de cinq ans d’existence, et tous ne parviennent pas à atteindre la rentabilité. Leur modèle économique (souvent basé sur une combinaison d’abonnements mensuels et de commissions) peut vite devenir un fardeau pour les recruteurs qui peinent à signer des missions régulièrement.

Bref : derrière l’effervescence, la réalité est plus nuancée. L’indépendance (en solo ou en collectif) peut offrir une vraie alternative au modèle traditionnel… sans pour autant constituer un eldorado.

Reste une question clé : que doivent en penser les cabinets classiques ? Y voir une menace ? Ou au contraire une opportunité de se réinventer ? C’est ce qu’on va voir pour finir.

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Cabinets traditionnels : faut-il trembler… ou simplement en profiter pour évoluer ?

Pas encore (réellement) une concurrence frontale

Selon les Échos, les indépendants et collectifs recrutent souvent sur des segments encore peu adressés par les cabinets historiques : TPE, PME régionales, recrutements en tension ou très spécialisés, ou encore missions ponctuelles qui ne justifient pas toujours un recours à un cabinet.

En d’autres termes : ils ouvrent un marché plutôt qu’ils ne cannibalisent l’existant.

Certes, ils peuvent parfois se retrouver en concurrence directe avec les cabinets traditionnels. Mais la différence d’approche, de structuration, et parfois même de posture commerciale (plus directe, moins formelle) fait qu’ils ne s’adressent pas toujours aux mêmes clients, ni de la même façon.

Un moteur de transformation

Finalement, l’essor des recruteurs indépendants et des collectifs doit surtout, à notre sens, être vu comme un électrochoc salutaire pour les cabinets traditionnels. 

 

Il rappelle en effet l’importance :

  • De l’agilité (dans les modèles économiques, les outils, les process),
  • De la transparence (dans les tarifs, la relation client),
  • Et de la spécialisation (métier, secteur, typologie de profils…).

Il pousse aussi à revisiter la promesse employeur, dans un contexte où certains consultants préfèrent désormais la liberté du freelance à la pression du chiffre en cabinet.

 

D’ailleurs, plutôt que d’y voir une menace, certains cabinets pourraient y trouver des opportunités de collaboration : sous-traitance ponctuelle, complémentarité sectorielle, apport d’affaires… autant de pistes pour inventer des modèles hybrides.

 

En somme, le véritable risque pour les cabinets traditionnels est peut-être moins l’arrivée de ces nouveaux acteurs… que celui de passer à côté de l’occasion de se réinventer. À chacun d’y réfléchir !